mardi 28 juin 2016

Je quitte la médecine générale

Une patiente âgée m'a frappée, une autre a pleuré dans mes bras, un autre m'a dit " mais comment pouvez-vous me faire ça? Pour une mauvaise nouvelle c'est une mauvaise nouvelle".

Alors cette nouvelle je l'écris: j'arrête la médecine générale au 31 décembre.  
"La Sécu m'a tuer", "les normes pour handicapés m'ont tuer", "les arrêts de travail m'ont tuer",  et enfin de voir certains zombies shootés aux psychotropes  me tuent. 

J'ai tenté durant toutes ces années d'éduquer mes patients  à être autonomes, à  ne pas faire confiance aveuglément à leur médecin mais à regarder les notices, ne pas hésiter à prendre un deuxième avis. 
Effectivement la plupart des patients sont autonomes et y réfléchissent par deux fois avant de prendre un médicament inconnu. 

Mais pour certains, rares je l'espère, j'étais un des piliers de  leur vie, même s'ils me voient très peu. L'une de mes patientes m'a dit très gentiment: " parfois je me sens mal,  puis je pense  à vous et je me reprends et j'essaie de ne pas vous appeler trop souvent quand même". 

Je les aime mes patients, ce n'est pas le problème. J'ai évincé les casse-pieds depuis longtemps et entre les patients et moi ça roule. 

Mais avoir les obligations d'un fonctionnaire et celles d'un libéral, c'est le contraire exactement de "avoir le beurre et l'argent du beurre".  Et cette situation n'est pas viable à long terme et je doute que cela convienne aux autres confrères.   MS Touraine peut bien augmenter tant qu'elle veut les médecins, ce n'est pas une affaire d'argent, c'est une affaire à mon sens de statut bâtard. 

Et j'enjoins les patients à écrire une lettre à la Sécu s'ils ne sont pas contents de ma décision. 

samedi 25 juin 2016

Sécu mère nourricière

La Sécu me donne du travail!

Une de mes victimes presque aveugle vient de recevoir un courrier de la CPAM: " Nous considérons que votre état ne s'est pas aggravé depuis quelques temps, alors nous vous refusons l'allocation adulte handicapé. Si vous êtes en désaccord avec cette décision, nous vous invitons à voir un médecin diplômé en réparation juridique afin qu'il fasse un courrier circonstancié, et notant le nom de votre médecin traitant". 

Qu'est-ce que c'est que ces foutaises? je n'ose pas exprimer trop haut mon opinion car cela me fait connaitre et me donne du travail. Mais ce qu'un médecin X pouvait faire autrefois, on lui dénie ce droit, pour que cela soit plus difficile à la victime de se défendre. 

Je n'ose pas non plus demander des honoraires de médecin de recours pour ce genre de bêtises pareilles, et en plus méchantes car la patiente préférerait avoir ses yeux et pas l'AAH. 

jeudi 23 juin 2016

Google médecin

Vous avez un symptôme ? Google vous propose un diagnostic

 À chaque symptôme recherché, Google proposera prochainement aux internautes causes potentielles, pistes de traitement en automédication et signes qui doivent pousser à consulter un médecin.
"Imaginez que vous vous soyez réveillé aujourd'hui avec un mal au crâne qui n'a fait qu'empirer toute la journée, et vous ne savez pas si vous devriez vous inquiéter outre mesure. Vous ouvrez donc l'application "Google" sur votre smartphone et vous tapez vos symptômes. Après avoir passé vingt minutes à scruter des forums de santé, votre cerveau est probablement submergé par nombre de termes médicaux complexes et vous êtes pris de sueurs, ne sachant plus si elles sont liées à vos maux de tête ou bien à la surdose d'information ! Eh bien, sachez que vous n'êtes pas seul." 
Tels sont les propos préliminaires - imagés et parlants - de Google, sur son blog, pour annoncer le lancement de son nouveau service consistant à afficher des informations médicales détaillées lorsqu'un internaute cherchera à se renseigner sur des symptômes. Un projet né de la popularité des requêtes de symptômes médicaux sur Google - environ 1% de la totalité des recherches - et testé dans les prochaines semaines aux États-Unis sur l'application mobile.

Concrètement, si un internaute tape dans la barre de recherche "maux de tête", Google affichera les causes probables, une liste de symptômes connexes ("migraine", "céphalée de tension", "sinusite", etc.), dont ceux qui justifient une visite chez un médecin, ainsi que les possibilités de traitement en automédication.

 Une concurrence aux forums spécialisés en santé très consultés et jugés peu fiables par les professionnels de santé. Mais Google l'assure : ses informations seront, elles, fiables. "Le contenu de ces fiches médicales a été conçu en collaboration avec des médecins de la Havard Medical School et de la Mayo Clinic", précise le géant du web.
 Une concurrence directe au corps médical ? Non, répond Google qui rappelle que "la recherche des symptômes (comme toutes les informations médicales sur Google) est destinée à des fins d'information seulement, et qu'il est toujours conseillé de consulter un médecin pour obtenir des conseils médicaux". Ce n'est pas la première fois que Google se sert des requêtes des symptômes de ses internautes : en 2008, la firme lançait le service "Google Flu Trends" utilisant les mots-clés tels que "grippe", "symptômes", "thermomètre", "douleurs musculaires", "congestion pulmonaires", "toux" pour prévoir les prochaines épidémies de grippe pays par pays avant même les autorités sanitaires. Un échec, qui a vu le projet disparaître définitivement en 2015, les prévisions d’épidémies étant surestimées...

http://www.sciencesetavenir.fr/sante/e-sante/20160623.OBS3221/vous-avez-un-symptome-google-vous-propose-un-diagnostic.html

Je ne pensais pas qu'un jour un ordinateur pourrait me remplacer, mais si. Alors les patients, vous pouvez vous soigner tout seul, n'est-ce pas merveilleux; le médecin n'a plus besoin de toucher, de tapoter le dos pour diagnostiquer une infection pulmonaire, de palper les cervicales pour faire la différence entre des maux de tête dus à l'arthrose ou autre. L'humain devient inutile pour ce genre de choses. 
Et l'humain se soigne de plus en plus comme une voiture en série. Alors pourquoi fait-on encore 8 ans de médecine? 

 Pendant qu'on y est, demandez lui donc un arrêt de travail ou épanchez-vous auprès de  lui, ainsi que mes patients le font souvent dans mon cabinet. 
Je pense qu'à l'avenir il y aura une gentille interlocutrice qui aura des phrases toutes faites, et qui vous donnera l'impression que vous êtes compris. Nickel!


mercredi 22 juin 2016

Contrôle des arrêts de travail

Surveiller si les arrêts de travail des confrères est justifié, cela peut emballer certains confrères acariâtres et voulant casser du médecin, mais ce n'est pas toujours rigolo.

Avant toute chose, un médecin contrôleur ne peut pas juger si le confrère a arrêté convenablement, cela ne serait pas déontologique. Il peut juste vérifier si au jour du contrôle le patient est encore malade et si son état justifie qu'il continue son arrêt. Et il peut au pire appeler le confrère pour avoir des précisions. 

Mais les portes sont souvent fermées, les patients devant respecter les horaires de sortie ignorent parfois allègrement cette petite obligation: franchement, rester chez soi entre 9 et 11 heures, 14 et 16 heures ce n'est pas une grosse contrainte, surtout si l'on souffre de sciatique ou de grippe. Et si on souffre de dépression on demande des horaires libres  à son médecin. 
Et si le patient a un rendez-vous chez le kiné à 10 heures du matin, c'est accepté aussi. Il aura par contre du mal à faire accepter que la pêche ou le football sont thérapeutiques. 

Mais ça me fait balader dans la campagne, ça occupe (!). 

lundi 20 juin 2016

La bonne foi ne suffit pas

Une de mes victimes est arrivé devant l'expert avec sa bonne foi, son cou et son coude en vrac.

Pas de certificat médical initial, peu d'imagerie, pas d'IRM, pas de doléances etc. 
( Doléances: de quoi la personne se plaint suite à l'accident)
Non, ce n'est pas possible, la victime doit avoir des armes pour se défendre, la bonne foi ne suffit pas, "la charge de la preuve incombe à la victime". 

Ma victime avait un peu l'air effarée lorsque je lui ai annoncé: "maintenant il va falloir que vous travailliez:
- retrouvez votre certificat médical initial,
- faire un scanner éventuellement,
- écrire vos doléances,
- demander des compte-rendus de consultation aux kiné et ostéos, au médecin traitant,
- obtenir votre fiche de poste ( très important pour voir en quoi l'accident a eu un impact sur la vie professionnelle), 
... et je vous demanderai le reste sur internet". 

Il n'y a pas le choix, il faut partir au charbon. Mais "ce qui ne tue pas rend plus fort" alors au travail!




vendredi 17 juin 2016

Une trop belle apparence peut nuire

Une de mes victimes est arrivée en expertise d'assurance toute bronzée.
Malheureusement "ça le fait pas". Ma victime a beau être de bonne foi et  sa pathologie  bien réelle, l'expert n'a pas manqué de lui faire quelques réflexions sur son beau bronzage bien uniforme.  

Deux ou trois de mes patientes arrivent pomponnées, bijoutées, et plus elles souffrent, plus elles sont handicapées, plus elles prennent soin d'elles. C'est tout à leur honneur que de ne pas se laisser aller... sauf pour les expertises, où elles présentent une trop bonne mine. 

L'une de mes patientes souffre de douleurs de fibromyalgies importantes, je sais ce qu'elle vit, mais l'expert avait décidé qu'elle était apte au travail. Il a fallu que "je prenne ma plus belle plume", c'est à dire que j'envoie un courrier décrivant  par le menu de quoi elle souffrait, en expliquant pourquoi elle était inapte au travail. Et on a gagné!

Mais la patiente est prévenue, à la prochaine expertise, elle devra se transformer en Mater dolorosa (Mère de douleur pour ceux qui n'ont pas fait du latin). 

Et pour ma victime magnifiquement bronzée, comme ça n'a pas passé, il a fallu que je l'envoie chez des spécialistes pour prouver son handicap. 
Comme quoi, dans certains cas l'habit fait le moine.