vendredi 30 septembre 2016

Guérir aussi psychologiquement

La plupart du temps les victimes sont focalisées sur la fonction qu'elles ont perdue  (un doigt, un membre, la mémoire etc.). C'est humain. Néanmoins, au fur et à mesure des mois, des années, elles récupèrent, elles remplacent des anciennes aptitudes par des autres, des trucs pour compenser les handicaps. 

Mais au fond d'elles, inconsciemment elles se trouvent encore handicapées, elles n'ont pas digérées l'accident  et elles se focalisent sur leurs déficits plutôt que sur ce qu'elle ont récupéré. 

C'est comme ça qu'un de mes traumatisés crâniens se plaignait de ses pertes de mémoires, il n'arrivait pas à penser à autre chose. Il a fallu qu'un neuro-psychologue lui montre preuves à l'appui ( il avait fait des tests durant trois heures) que ses facultés intellectuelles étaient bien rétablies sinon intactes et que le cerveau n'avait que des cicatrices minimes. 
C'est sûr que l'indemnisation sera moins importante, mais c'était une super-bonne nouvelle.


Une autre de mes victimes avait perdu un bout de doigt. Elle n'arrivait plus à se servir de la phalange qui lui restait, tentait en permanence de ne pas regarder son doigt mutilé et la main en cause était devenue maladroite. Elle a eu son expertise, et à la fin je me suis permise de lui dire: "Mais enfin, il vous reste cette phalange, vous ne pouvez pas la laisser tomber! Vous devez vous refamiliariser avec elle, par exemple lui dire bonjour chaque matin".  
Ca l'a fait rire et j'espère qu'elle a récupéré sa dextérité depuis. 

dimanche 25 septembre 2016

Débacle de la médecine générale

Je vais vous parler des changements de mentalité en médecine comme je les ai vécus, en live:

- Entre 1994 et 2000 en tant que remplaçante, les médecins voulaient absolument que je sois joignable entre 8 h et 20 heures, c'est à dire ne pas quitter le cabinet avant 20h de façon à ne pas couper la permanence de soins: les gardes démarraient à 20h pile et gare au médecin qui ne répondait pas à 20h01 pile. Et les gardes duraient toute la nuit. On n'avait pas de portable  du moins au début alors on restait accroché à son téléphone. Parfois je me réveillais en sursaut à 1h du matin avec le sentiment imminent  "on va m'appeler". Puis le téléphone sonnait.
Si on devait s'absenter on branchait le répondeur avec la petite phrase " en cas d'urgence composer le 15"
Et si je refusais de faire une visite j'avais une semonce en règle du médecin installé, même si elle n'était pas forcément justifiée: il fallait y aller. 

- Dés 1998 j'ai pu enfin quitter le cabinet plus librement   grâce au portable et au transfert d'appel.  

- En 2000 j'ai intégré une région avec des médecins dynamiques, une permanence de soins 24h/24 grâce à des tours de garde bien organisés; on avait même prévu la formation continue. Il y avait une stimulation positive.

- Vers 2004  la garde s'est arrêtée à minuit, ensuite les patients étaient envoyés à l'hôpital. Déjà un peu moins motivés les confrères. Mais on participait encore tous, sauf ceux qui avaient une dispense médicale. 

- Vers 2010  on a diminué le nombre de cantons, ce qui voulait dire un plus grand territoire pour chaque médecin de garde. Dans la foulée on a aboli la garde du soir et il n'y a plus  qu'un médecin volontaire attaché à un hôpital travaillant le samedi après-midi et le dimanche toute la journée. Et surtout sans moi, MiniRambo a besoin de sa maman le weekend. 

Et en parallèle la démotivation a grandi, les médecins se sont désengagés, au point qu'ils ne répondent  actellement plus au téléphone que quand ils en ont envie, c'est à dire surtout pas le vendredi après-midi pour la plupart. Moi idem. 

Plus on se fait contrôler dans tous les sens, moins on nous donne de responsabilité, plus on nous noie de paperasse, moins on sera dynamique et impliqué.  Et tout cela ne va pas aller en s'améliorant. Il n'y a que Marisol Touraine pour être  satisfaite et heureuse
C'est la débâcle de la médecine générale et c'est évidemment les patients qui trinquent.




vendredi 23 septembre 2016

sécu, maman abusive

La Sécu vient de m'envoyer un questionnaire à répondre anonymement, me demandant en gros si j'étais contente de leurs services, s'ils étaient réactifs, courtois, s'ils répondaient rapidement et avec compétence aux questions, que cela soit par internet, téléphone, sur place ou autre. Si les dames de la Sécu étaient avenantes, donnaient des conseils avisés et j'en passe. 

J'ai tout rempli consciencieusement que  j'étais très satisfaite, ravie ravie ravie, service tout bon, traitée aux petits oignons... mais quand on   m'a demandé ce qui pourrait être  fait pour améliorer le service, j'ai répondu: " Qu'elle s'occupe justement un peu moins de moi, car c'est tellement insupportable que je quitte la médecine générale dans trois mois et 9 jours". 

D'avec des personnes aussi attentionnées on ne peut que divorcer,  de façon à retrouver un peu d'air à respirer!

mercredi 21 septembre 2016

Je contrôle, on me contrôle

La boite qui m'embauche pour vérifier les arrêts de travail m'appelle: " Docteur, vous pourriez contrôler un arrêt de travail demain? Il est arrêté pour une semaine.
- Sans problème. 
- Il faut juste que je vérifie quelque chose, je rappelle".

Dix minutes plus tard: "Docteur, on est désolé, le prescripteur c'est vous, vous ne pouvez donc pas le contrôler".

Ils n'ont jamais voulu me donner le nom du patient! C'est le jeu, je contrôle, je me fais contrôler. 
Et puis on ne va pas forcément remettre mon arrêt en cause; j'ai contrôlé comme ça une personne qui était partie en vacances sur ses jours d'arrêt (un mois!) et le confrère que je respecte s'est fait avoir dans les grandes largeurs. Mais comme il avait une arrière pensée, il avait donné un arrêt avec des horaires de sortie. 

lundi 19 septembre 2016

Harcèlement de la Sécu?

Une patiente m'apporte une lettre de la Sécu genre: "nous n'avons pas reçu votre arrêt de travail du 16 et 17 juillet 2016. Nous vous prions de faire faire un duplicata".

Bizarre non? La patiente m'a montré un autre papier, un relevé de compte de la Sécu, indiquant qu'elle avait touché 0 euros d'arrêt maladie. 

Alors pourquoi la Sécu  veut-elle avoir ce papier? Tout simplement pour qu'au deuxième arrêt de ce genre, elle puisse envoyer à la patiente: "Vous avez été arrêtée deux fois cette année. La troisième fois vous serez susceptible d'être contrôlée par un médecin". 

Dans trois mois et demi c'est fini pour moi, mais vous les patients, bon courage avec tout ce grand-n'importe quoi. 

vendredi 16 septembre 2016

Plans de la Sécu

J'ai eu une conversation des plus enrichissante avec un patient proche de la Sécu; il m'a dévoilé les plans à long terme: 

1- "Abattre" les médecins qui ne sont pas dans le moule, ceux qui de par leur patientèle prescrivent trop d'arrêts de travail, ou de bons de transport, ou de séances de kiné.  Et le corollaire est évidemment diminuer le nombre de médecins.   

2- Réfléchir à comment diminuer le recours au médecin dans nos campagnes: les médecins de ville statistiquement voient moins souvent leur patients que les médecins installés en campagne,

3- Passer sournoisement et en douceur au système allemand: médecins tous fonctionnarisés.  Evidemment cela ne se dit pas tout haut!

Au sujet de chacun de ces points: 

1- j'ai compris que je suis une tête à abattre, ce qui est fait dans trois mois. Y'en a dans leurs WC (ou au bureau)  qui doivent bander tous seuls, mais ce ne sont sûrement pas les patients.  Tout haut les médias: " mon Dieu, des déserts médicaux", tout bas " tant mieux, cela coûtera moins cher". 

2- Je pourrais leur donner des pistes à tous ces bureaucrates, moi qui vois les patients un sixième de fois moins que les autres sur un an! C'est simple, ne pas faire revenir les patients quand ils ont vu leur spécialiste, leur donner un traitement pour six mois (sauf raison médicale) etc.  Mais ils n'en on rien à faire de mes idées, ils pensent comptable. 

3- j'ai aussi des très bonnes idées: développer un quatrième secteur, ouvert à tous les médecins qui le souhaitent et aux jeunes médecin surtout: médecin fonctionnaire, sans paperasse, à 35 ou 40  heures par semaine, qui ne se soucie ni de son loyer, ni des pannes informatiques, ni de la femme de ménage, qui a une secrétaire qui manage tout pour lui, le café etc! Je suis absolument sûre que ce mode d'exercice conviendrait à certaines mères de famille ou à certains sportifs ou autres. 

Mais je suis un modeste médecin généraliste abruti par la masse de travail qui n'a sûrement pas la vivacité d'esprit nécessaire pour contribuer à une réforme profitable au gouvernement ET aux patients. 


jeudi 15 septembre 2016

Contrôles abusifs?

Un contrôle il y a deux jour, un travailleur en pleine dépression réactionnelle suite à du harcèlement au travail. Arrêt de travail justifié bien évidemment au vu de la tête du malheureux et de son ordonnance. Situation normale à priori.

Ce qui l'est moins c'est que c'est la deuxième fois que je viens vérifier qu'il est bien malade, la boite tenant à  payer 450 euros par mois de médecin contrôleur (payé à la boite qui m'embauche). Harcèlement? Elle ne croit pas son employé ni le médecin de celui-ci? Vais-je être appelé une troisième fois?
Il a été aussi vérifié par le médecin de la Sécu (sur demande de l'employeur?) qui a déclaré son arrêt de travail légitime.
Moi je fais mon travail, mais ça sent mauvais. C'est malsain.  Et j'espère de tout coeur qu'il se sortira de sa dépression et contre-attaquera. 

vendredi 9 septembre 2016

Histoires d'arrêts

Une patiente  embauchée  à la Sécu m'a raconté qu'une stagiaire de son service il y a quelques mois s'était fait mettre en arrêt maladie durant dix jours. Le motif n'était pas connu. Elle n'a même pas été contrôlée. 
Mais comme elle était trop nunuche et aimait un peu étaler sa vie privée, elle n'a pas tari d'éloges sur les services de l'hôtel au Maroc et combien la plage était belle etc. Heureuse la fille! Elle l'était un peu moins lorsque le grand chef l'a convoquée et lui a signifié son renvoi.

Une autre patiente ce jour est folle furieuse contre son médecin traitant: "Je ne demande jamais d'arrêts de travail. Seulement il se trouve que je suis enceinte, absolument épuisée, je travaille debout, j'ai dépassé les 40  ans, je suis en sevrage de Prozac  et je demandais juste une semaine. Je n'ai pas reconnu mon médecin qui a changé: elle m'a dit que la grossesse n'était pas une maladie et qu'elle ne me donnait que trois jours"
C'est vrai que la patiente  a des gros cernes, je soupçonne une anémie. Je ne comprenais pas l'attitude de ma consœur devant cette patiente visiblement épuisée. Et d'un coup euréka!
" Madame, votre médecin se fait harceler elle aussi par la Sécu, il ne faut pas lui en vouloir. Ce n'est facile pour personne. Je vous rajoute quelques jours sans état d'âme car bientôt je n'aurai plus de compte à rendre". 

Et demain ça sera quoi? Un type en chimio qui ira travailler? Un diabète décompensé qui fera 80 km pour rejoindre son travail? Au secours, catastrophes en vue!


mardi 6 septembre 2016

Arrêt pour "plaisir de s'arrêter"

Les patients me demandent tous pourquoi je pars et si je suis vraiment fâchée. Ce qui est vrai est que j'aurais un peu réduit mon activité pour doucement partir dans quelques années. 
Mais la Sécu est passée par là et m'a poursuivie de ses assiduités, à coups de recommandés, de réunions, de comité car j'étais une Grande Délinquante. Je risque quand même 6200 euros de punition si je fais trop d'arrêts de travail, peu importe s'ils sont justifiés ou non.
Et il m'est poussé depuis quelque mois comme des cactus sur mon siège de bureau, ça pique, je me tire. Et 1700 patients seront dans la nature dans 4 mois. 

Alors quand un patient s'est plaint " mais vous ne m'avez jamais fait d'arrêt à moi", j'ai pris un formulaire et lui ai rédigé un arrêt jusqu'au 32 septembre avec pour motif  "plaisir de s'arrêter". 

lundi 5 septembre 2016

déprimé mais pas cachetonné

Un patient stressé en mon absence a consulté un confrère, peu ravi de voir un de mes patients: " je vous fais un arrêt de trois jours, le temps de revoir le Dr Vincent et je vous donne cet anxiolytique". 

Le patient est venu me voir ce jour: 
" J'ai du harcèlement au travail, ils veulent virer 1500 employés alors tous les moyens sont bons.  J'ai failli envoyer mon supérieur par dessus la rambarde de l'escalier, ils me poussent à bout. Je ne fais plus que des photocopies depuis deux mois  alors que j'ai des diplômes! J'ai pris un cachet pour me calmer dans la boite prescrite  mais ça m'a fait tout bizarre et j'ai arrêté.
- Bon, je vous donne une semaine d'arrêt de plus,  le temps de contacter votre syndicat. Mais vous risquez d'être contrôlé: alors chaque jour vous sortez un cachet de son blister, vous le rendrez à la pharmacie plus tard. Vous pourrez alors montrer la boite entamée au médecin contrôleur".  
Qu'au moins la boite serve à quelque chose!

Le type n'a pas besoin du cachet, il a juste besoin de souffler un peu pour partir en guerre. Mais s'il ne prend pas de cachet "il n'est pas malade". Foutue société!

vendredi 2 septembre 2016

victime: ne vous découragez pas!

Une de mes victimes a gagné!

Nous sommes allés voir l'expert ensemble, j'ai pris soin que l'expert n'omette aucun poste de préjudice, puis la victime sortie, nous avons discuté "le bout de gras". L'accident avait été sérieux et impacté négativement la vie de ma victime.  L'expert a accepté les arguments et écrit un rapport exhaustif.

Mais tout n'était pas fini: la compagnie d'assurance a reçu le rapport, et a traîné, traîné... la victime téléphonait chaque semaine pour voir comment avançait son dossier. 
Et enfin elle a reçu une proposition: 8000 euros de moins que ce qui était prévu!
Elle a râlé, alors on lui a dépêché un inspecteur qui a tout décortiqué par le menu et a conclu "vous avez raison!"

Au bout de quatre mois il a reçu son chèque assez conséquent: youpi! Si ça peut lui mettre un peu de baume au cœur, et surtout qu'il se sente reconnu comme victime. 

Toute cette petite histoire pour dire qu'il ne faut pas hésiter à contacter l'assurance autant de fois qu'il le faut. On paie, c'est facile, pour être remboursé c'est une autre paire de manche. Mais on peut faire valoir ses droits, juste un peu de persistance.