dimanche 2 août 2015

Lettre au directeur de la Sécu

Voici la lettre que je vais envoyer au directeur de la CPAM qui me convoque pour mes arrêts de travail. Je me suis fait pour cela aidée par Jean-Louis Murat qui a une musique parfois un peu funèbre:

Madame, cher confrère

Vous m’avez convoquée le 11 août à 11 heures dans les locaux de Creil. Malheureusement je ne pourrai m’y rendre malgré ma motivation, trop de médecins étant en vacances dans le canton à ce moment.
C’est vrai, je fais souvent des arrêts de travail,
-La plupart du temps ils ne dépassent pas trois jours   pour des gastro-entérites, des grippes, des angines etc.
- Quelques patients malheureusement ont des arrêts au long cours, dont un grand insuffisant cardiaque : l’assistante sociale ; de la Sécu  lui a conseillé de se mettre en arrêt le plus longtemps possible pour ne pas trop perdre d’argent. Il mériterait pourtant de se mettre en invalidité.  Durant longtemps j’ai eu la même attitude mais  la déléguée de l’assurance maladie il y a un an ou deux m’a mis en garde contre cette pratique coûteuse.
Une autre de mes patientes était suivie par un psychiatre pour une dépression grave, maintenant est en invalidité.
D’autres souffrent  de problèmes musculo-squelettiques incompatibles avec leur poste de travail, ou sont enceintes chez Auchan ou infirmières.
J’ai arrêté aussi deux patients qui se relaient auprès de leur fille cancéreuse il y a u an, puis petit à petit ils se sont remis au travail, d’abord 50%, puis actuellement temps complet.
-J’ai dans ma patientèle 3% de patients bénéficiant de la CMU, ce qui veut dire que ma patientèle est active, doit faire  souvent beaucoup de km pour se rendre sur leur lieu de travail : alors que  je n’arrêterais pas forcément si mes patients n’avaient pas à conduire.  Par exemple un patient qui souffre d’une maladie de Crohn évolutive  peut faire trois kilomètres pour se rendre  à son travail, mais pas forcément 50 km, surtout dans les bouchons et dans les transports en commun.
Si j’avais 50% de CMU, mathématiquement je ferais deux fois moins d’arrêts de travail.
J’ai parfaitement conscience qu’il faut, pour que le système reste viable, que chacun fasse des économies, les médecins ne doivent pas trop, ni arrêter, ni prescrire trop de médicaments ou de bons de transport.
-J’estime faire faire de conséquentes économies en  ne voyant les patients chroniques stables que tous les six mois. De plus, prescrivant plus de deux fois moins que les confrères, mes patients ont beaucoup moins d’effets secondaires graves.
-Mes patients ne souffrent pas non plus de dépendance aux benzodiazépines car je n’en prescris pas, alors je ne fais pas d’arrêt pour cette pathologie.  D’ailleurs, idéalement lorsque je reçois des patients sous benzodiazépines, je devrais leur faire systématiquement un arrêt de travail, car leurs réflexes sont diminués et ils sont parfois un danger public.
-Quand un patient vient pour souffrance au travail, ce qui arrive de plus en plus, étant dans un département où les fermetures d’entreprises ne sont pas rares, je préfère lui faire une consultation longue pour comprendre la problématique,  un arrêt de travail pour calmer le jeu,  plutôt que de prescrire des antidépresseurs qui sur le long terme seront beaucoup plus coûteux financièrement en terme d’effets secondaires et de pérennisation de la pathologie.
-La plupart de mes patients sont contrôlés, je fais des protocoles de soin de plus en plus. Et le médecin de la Sécu valide dans presque 100% des cas mes arrêts de travail.
Je me fais souvent aider du médecin du travail pour amorcer une reprise aménagée, pour proposer des inaptitudes quand c’est justifié qui vont conduire à un licenciement
Je serais très heureuse si à moyen terme nous nous pouvions nous rencontrer dans les locaux de Méru, ou à la rigueur à Beauvais. J’avais proposé il y a quelques années au docteur Sécu d’organiser une table ronde entre les médecins de la Sécu et les généralistes, mais il m’a répondu que cela ne serait pas bien perçu par les généralistes.  Pourtant je persiste à croire que cela serait une bonne idée que chacun puisse communiquer ses points de vue.
J’ai collé votre courrier sur la porte de mon cabinet afin que mes patients soient prévenus et qu’ils soient moins tentés de me demander des arrêts de travail peu justifiés.

Veuillez recevoir mes sincères salutations confraternelles

2 commentaires:

  1. Très bon courrier.
    Vous pensez qu'il va être lu?

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  2. Oui, je l'envoie en recommandé AC. C'est ce qu'ils m'ont demandé de faire, ça ou la confrontation, mais celle-ci se déroule dans une ville beaucoup plus loin (merci la centralisation) et je n'ai pas le temps

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