vendredi 29 avril 2016

La sécu ne guérit pas de sa shizophrénie

Et si la « pertinence » des prescriptions d’arrêts de travail était récompensée ? C’est le projet sur lequel planche l’Assurance maladie, en incluant de nouveaux critères dans la  rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), sorte de prime versée aux médecins pour améliorer leurs pratiques, selon un document consulté mercredi par l’AFP.
Cette proposition présentée ce jeudi, prévoit notamment la création d’indicateurs permettant la rémunération des médecins atteignant certains objectifs, en matière de prescription de médicaments, d’organisation de leur cabinet ou encore de prévention.
(...)
Des arrêts de travail plus pertinents
Parmi eux, des indicateurs relatifs à la pertinence des prescriptions d’arrêt de travail (indemnités journalières) au regard des préconisations existantes, les médecins étant par exemple invités à prescrire 5 jours d’arrêt de travail pour une grippe saisonnière, 3 pour une angine ou 21 jours pour une entorse grave lorsque le patient effectue « un travail physique lourd ».
La mesure pourrait ainsi s’inscrire dans un plan plus global d’action de la Cnam pour enrayer la hausse des dépenses liées aux arrêts maladie (renforcement de l’accompagnement des médecins prescrivant trop d’arrêts, meilleur ciblage des contrôles, etc.) qui grèvent les comptes de la Sécurité sociale. En 2015, près de 90.000 médecins ont perçu 4.500 euros en moyenne au titre de la Rosp.
Il y a 15 jours, la commission des comptes de la Sécurité sociale notait que l’augmentation des indemnités journalières (+3,5 % en 2015 par rapport à 2014) avait contribué au dérapage des dépenses de soins de ville (hors hôpital).
http://www.20minutes.fr/sante/1835627-20160428-securite-sociale-veut-recompenser-medecins-delivrent-moins-arrets-maladie

Ca, c'est bon! Comme je le rappelle j'ai 3% de RSA , et que la grande majorité d'entre eux travaille à mi-temps, et très peu de personnes âgées, normalement j'ai beaucoup, beaucoup de travailleurs, et donc plus d'arrêts que les autres. Tout le monde me suit jusque là?
Donc, comme je suis vertueuse et que je délivre 5 jours pour une grippe, deux jours pour une angine, et 15 jours pour une entorse grave, je pourrai recevoir la prime... tout en étant punie de faire trop d'arrêts. 
Je ne veux plus jouer à ça, ils sont tous fous!!!

samedi 23 avril 2016

S'entrainer pour l'expertise

Un avocate m'appelle pour que j'accompagne une de ses clientes, victime de la route (traumatisme crânien) : "attention, elle a une psychologie particulière, elle est suivie en psychiatrie.

-... Je préfère la voir avant, si elle n'était pas suivie en psychiatrie avant l'accident mais depuis, il faut trouver ce qui ne va pas".

Bingo! La patiente perd tout, oublie tout, l'heure et le jour de ses rendez-vous, est devenue négligente avec ses papiers, téléphone dix fois par jour à son mari pour retrouver des choses. De plus elle ne sait plus compter, elle qui a fini le secondaire. Et puis elle n'a plus de goût pour les choses de la vie. 
Et en face de moi elle répétait: "je suis déprimée, je prends des anti-dépresseurs, et je pense à l'accident etc.
- Stop madame, vous avez un vrai préjudice, un traumatisme crânien et on va l'explorer. Ne mettez pas votre dépression en avant car on n'y arrivera pas.
- Mais je suis déprimée ...
- OK, mais ce n'est qu'une conséquence. On va aborder l'expertise de l'angle du traumatisme". 

Elle a fini par comprendre.  Et l'avocate l’entraînera à avoir une attitude moins "méditerranéenne",  plus contenue, du moins  devant monsieur l'expert. 

En conclusion ce n'est pas parce qu'un patient ou une victime parle avec force gestes, larmes en s'aidant des mains qu'il n'a pas une vraie maladie. C'est sa façon de s'exprimer. 

mardi 19 avril 2016

Un patient négligent et un roublard

Un de mes patients sous anti-coagulant stabilisé depuis quelques années, parfois est un peu négligent concernant ses prises de sang  (normalement il doit les faire chaque mois). Il a eu la surprise il y a une semaine de recevoir une lettre de la Sécu: " il semble que vous ne faites pas vos prises de sang à intervalles réguliers..."
C'est vrai, mais en même temps les libertés s'amenuisent.

Un autre de mes patients, un peu âgé avec une santé peu florissante m'a confié: "je laisserai en héritage à mes quatre enfants ma maison pourrie. Elle est complètement insalubre. Comme dans le lot il y en a deux qui lorgnent cet héritage, je ne vais sûrement pas faire de testament. C'est un héritage empoisonné  et je leur souhaite de longues journées de disputes". 
A quoi j'ai rétorqué:  " monsieur, vous pouvez faire mieux, vous pouvez faire croire que vous êtes au plus mal, tout le monde se précipite, apparemment effondré. Quelques jours après vous vous relevez de votre lit en forme -mon docteur préféré m'a guéri!!!-  Ils vont être verts!"

 A roublard, roublard et demi. Et je conseille à tous de regarder le film Grand Torino, où tout le monde lorgne sur la maison du vieux. 


samedi 16 avril 2016

On peut gagner contre la Sécu

Il paraîtrait qu'un de mes confrères, tout à fait digne et conventionnel  serait poursuivi par la Sécu pour le motif qu'il ferait  trop de bons de transports. Je n'ai pas de peine à le croire: sa patientèle fourmille de personnes âgées. 
Il il ne peut désormais plus exercer sa médecine sereinement et les rapports avec les patients doivent devenir un peu tendus. 

Et c'est un coup à s'arrêter plus tôt ça, la Sécu fait tout pour dégoûter les généralistes et les faire s'arrêter. 

Mais ce confrère peut porter plainte, en effet la Sécu ne prend pas en compte les spécificités de chaque médecin, celui qui a une patientèle jeune, au RSA n'aura aucun problème, ni d'arrêt, ni de bon de transport. 
Par contre il pourra être poursuivi pour un tas d'autres motifs, la Sécu ne manquant pas d'idées pour diminuer le trou abyssal qui a commencé  à se creuser  depuis sa naissance pratiquement. 

Mais la bonne nouvelle c'est que le médecin poursuivi pourra poursuivre à son tour la Sécu et avoir gain de cause, il y a un précédent; 

"Le tribunal administratif de Nîmes vient d'annuler la décision de la CPAM du Vaucluse de mise sous accord préalable d'un généraliste en raison de ses prescriptions d'indemnités journalières... L'annulation de la mise sous accord préalable tient au non-respect du critère d'"activité comparable", fixé par la loi. (pris dans Le Généraliste du 16/3/2016)

mercredi 13 avril 2016

Y'a pas qu'la Sécu qui harcèle

Après le harcèlement de l'Assurance maladie, c'est celui des élus que dénoncent les syndicats de médecins libéraux. Dans un courrier daté du 25 mars, le maire de Poissy (Yvelines), Karl Olive (LR), demande aux 45 généralistes de sa commune de mettre la pédale douce sur les arrêts maladie. 
Au fil des lignes, l'édile dénonce le coût exorbitant pour la commune lié à l'absentéisme des agents pour raisons médicales. Selon lui, la facture s'élève à 1 800 euros par agent en 2013. L'addition atteindrait même la somme de 2 millions d'euros chaque année. S'ajoutent à ces sommes, « la désorganisation des services et la qualité du service public qui risque d'en souffrir », précise-t-il.
Et c'est ensuite que la plume devient acerbe. « S'il est communément admis, que moins de 5 % des agents abusent des arrêts de maladie, que moins de 1 % des médecins prescrivent des arrêts dits de "complaisance", il est toutefois indispensable de réduire au maximum ces pratiques que je ne saurais accepter plus longtemps ». 
L'avertissement est suivi d'instructions à l'égard des médecins : « Je vous invite donc à faire preuve d'une vigilance accrue et à ne pas hésiter à orienter vos patients (agents de la ville) vers le médecin de prévention dès lors que vous aurez décelé que les difficultés évoquées par ces agents sont en lien direct avec le travail », poursuit-il.
Anticipant les représailles des médecins, l'homme se défend d'appliquer une gestion « en bon père de famille » avançant que l'absentéisme est de 20 jours d'arrêt de travail dans son administration, contre 11 jours dans le secteur privé.

http://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/15093-Arrets-maladie-le-maire-de-Poissy-invite-les-medecins-a-la-moderation

mardi 12 avril 2016

blessés physiques et psychiques

Un expert nous a raconté hier une constatation qu'il a faite: lors d'un attentat, un crash aérien (lorsqu'il y a des survivants) ou autre catastrophe  féconde en trépassés, on peut différencier trois sortes de personnes: 
-  les blessés graves: ceux-là sont "chouchoutés" si l'on peut dire, on les conditionne, on les opère, tout un tas de personnes sont au petits soins entre la réa et la chirurgie etc.
- les bien-portants ou blessés très légers qui peuvent s'échapper rapidement;
- et ceux qui ont une entorse ou autre chose qui les empêche de quitter le lieu du drame. Et comme ils ne sont pas prioritaires, personne ne s'intéresse  à eux, du moins sur le moment. 

- les blessés graves s'en sortent bien psychologiquement en général;
- ceux qui peuvent se sauver ne sont pas non plus trop mal psychologiquement,
- mais ceux qui sont un peu coincés sur les lieux somatisent ensuite un maximum et ont du mal à quitter psychiquement le lieu du drame. Ainsi ils développent toute une collection de symptômes tout aussi diverses que variés. 
Les benzodiazépines et les antidépresseurs n'y pourront pas grand chose, l'OMS conseille l'EMDR, une technique pour "libérer" la victime de son choc psychologique. 

En cours j'avais appris qu'à la guerre, il valait mieux pour le moral avoir été réellement blessé qu'être le témoin d'un meurtre. Les soldats dans ce cas pouvaient s'enfuir tellement ils étaient stressés, puis ensuite ils étaient fusillés, tout simplement. Alors qu'ils avaient été aussi victimes  que le soldat mort. 

En conclusion il faut accorder autant d'attention à un blessé physique qu'à un traumatisé psychologique. 

jeudi 7 avril 2016

On ne touche plus les patients!

Plus le nombre d'années  d'exercices augmenteraient, moins les médecins toucheraient  leurs patients; il paraîtrait que la largeur de leurs bureaux augmenterait aussi. Mais peut-être ne sont-ce que des racontars. 

En tout cas le monde actuel fait tout pour que cette tendance se confirme: les consultations sur internet, les deuxièmes avis médicaux à 295 euros (eh oui, on peut gagner pas mal de blé  en critiquant ou confirmant les diagnostics sur internet!), les cabines de télédiagnostic pour pallier aux manques de médecins. 

Méfions-nous, la médecine n'est pas une science exacte, c'est un art, un bon diagnostic nécessite dix doigts, une oreille, un stéthoscope et un tensiomètre au minimum. Et plus on cultive le toucher, plus on différencie des choses qu'on n'aurait pas pu sentir en début de carrière. 

Mais on remplace tout cet art par des examens para-cliniques, les chirurgiens se couvrent systématiquement avec des IRM et d'autres gadgets. 

Mais je suis peut-être trop artisanale comme on me l'avait déjà fait remarquer. 
N'empêche que devoir prescrire une IRM  ou une coloscopie histoire d'ouvrir le parapluie me lasse au plus haut point. Cette nouvelle médecine ne me ressemble plus. 

Tout ce bla-bla pour dire qu'une de mes victimes d'un coup du lapin n'a jamais été touchée, ou même effleurée par le moindre médecin. Elle a reçu des ordonnances d'antiinflammatoires, antalgiques et basta. Pas le plus petit papouillis non plus d'un kiné. Et elle n'est pas guérie, les médicaments ont été dans son cas, au mieux un cache-misère. 

mardi 5 avril 2016

CCI, limites

Une de mes victimes a porté plainte contre son médecin traitant pour un préjudice, auprès des CCI (commission de conciliation et d'indemnisation). 
L'assurance du médecin avait dû faire la morale à celui-ci: "vous ne vous présentez sous aucun prétexte". 
la CCI a estimé que la victime avait subi moins de 25% de préjudice, donc elle n'était pas compétente, et ma victime s'est trouvée avec ses deux yeux pour pleurer.

Les CCI ont été créées  pour désengorger les tribunaux, c'est très louable, mais elle n'a aucun pouvoir coercitif, les assurances proposent ce qu'elles veulent; de plus elles sont engorgées.  Alors ce qui aurait du être un progrès devient en gros un marais bourbeux de la consistance de la mélasse. 
Ce n'est pas toujours la solution. 

dimanche 3 avril 2016

Rôle et place du médecin de recours

Médecin  de recours ce n'est pas généraliste. Ca paraît évident comme ça mais ce n'est pas facile de se défaire de certains réflexes.
Le médecin de recours diagnostique, traque les pathologies causées par l'accident en cause. Il peut demander pour confirmer le diagnostic tous les examens paracliniques qu'il juge utiles.  Il ne doit pas se substituer au médecin traitant, ni pour les médicaments, ni pour la kiné ou autre. 
Mais quand le médecin traitant se trouve loin, il m'est déjà arrivé de faire des ordonnances de secours. 
Ca n'empêche pas non plus que le médecin de recours émette un avis sur le traitement: une victime est venue me voir pour des douleurs lombaires intenses. Comme son médecin n'arrivait plus à la soulager, il lui a donné des antidépresseurs, pour tester.
Seulement l'expert en voyant les antidépresseurs, l'a catalogué psy... "et allez jouer ailleurs monsieur",  avec très peu d'indemnités.  Pourtant c'était un accident réel.  
La victime a souhaité demander une contre-expertise et est venue me voir pour l'aider. 
J'ai émis un modeste avis, à savoir que les antidépresseurs ne soignaient pas le mal de dos, que ma victime   avait une vraie pathologie et qu'on ferait bien de faire une IRM.
Et je passe les détails, mais la victime  va mieux, se sèvre des antidépresseurs; et je suis très gênée pour le médecin car elle n'a pas dû être tendre avec lui. 

Pour conclure brèvement, le fait de  prendre des  anti-dépresseurs ne rend pas crédible la victime, et l'expert, homme pragmatique va avoir tendance à expédier et cataloguer. Sauf si évidemment la prise d'antidépresseurs est compréhensible (mais pas forcément utile pour la guérison, l'EMDR est plus efficace) comme par exemple lors d'attentats. 

PS: l'EMDR ( Eye Movement Desensitization and Reprocessing, ou Mouvement des yeux, Désensibilisation et Retraitement (de l'information )est une technique reconnue suite à un grave stress , http://www.emdr-france.org/